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Délai entre arrestation et jugement dans les années 1870


michelderouet
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Hello,

Par le plus grand des hasards je retrouve, en 1877, une condamnation à 15 ans de travaux forcés pour un prêtre dont l'histoire locale dit qu'il est mort en 1874 et qu'une croix a été édifiée en son honneur en 1875.
Il décèdera en 1878 au bagne de l'île de Nou en Nouvelle Calédonie. Tous les renseignements (date et lieu de naissance, parents, etc... correspondent).
Plutôt que d'être mort en 1874, il était soit en fuite ou déjà à l'ombre...
Trois ans d'instruction à cette époque, était-ce un délai normal ?
Merci d'avance
nbernad
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Tout dépend, sans doute, des délits qui lui étaient reprochés..............

Et aussi du fait que les ecclésiastiques bénéficiaient d'un à priori favorable de par leur sacerdoce
Last edited by nbernad on 22 December 2022, 19:21, edited 1 time in total.
Nadine

"Si la vie est éphémère, le fait d'avoir vécu une vie éphémère est un fait éternel ": Vladimir JANKELEVITCH
michelderouet
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Heu... J'aurais peut-être dû commencer par là :lol:
Il a été condamné pour “attentats à la pudeur”, aujourd'hui appelés pédophilie.
Ça n'a fait que 5 lignes dans le Journal d'Indre-et-Loire alors que les trois voleurs de poules (de lointains cousins) ont rempli toute la colonne.
https://archives.touraine.fr/ark:/37621/fmn3xldq69c8/00881efb-e335-4e93-9228-1247a7f83ac8
nbernad
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Les écclésiastiques étaient protégés envers et contre tout par leur hiérarchie et leurs ouailles

Comment un prêtre pourrait-il être soupçonné ?

L'histoire de Toussaint Cyprien BOUDES (1832-1906), prêtre aveyronnais, est édifiante ;)

Il suffit de taper son nom et ses prénoms dans Google pour trouver de multiples occurrences le concernant

Par ex: http://popenstock.ca/monstres-en-soutane

Et il y en a bien d'autres, entre autres la presse aveyronnaise de l'époque ;)

Bénéficiant du soutien longanime «inexplicable» de l’évêque de Rodez, Mgr Bourret, quoiqu’il ait été d’abord chassé du petit séminaire pour vol et du collège ecclésiastique de Bourg Saint‑Andéol, pour «immoralités», l’Abbé Boudes exerce ensuite à Taurines, village où il est nommé curé en 1871. Il prête à la petite semaine et falsifie des billets, il dérobe aux confrères des paroisses voisines leurs ornements sacerdotaux, et surtout il met à mal pendant quinze ans plusieurs cantons de montagne dont il sodomise éclectiquement enfants de chœur, écolières, paroissiennes, jeunes gens appelés au service — avant que la population ne se rebiffe. Enfin, dans la nuit du 1er au 2 mars 1875, l’abbé Alvar, curé d’une paroisse peu éloignée, Saint‑Circq, est assassiné dans sa chambre. «On le trouve assommé au bas de son lit, criblé de coups de couteau et de coups d’ongle, une main ensanglantée marquée sur son épaule. L’argent que l’abbé Alvar vient de toucher pour les réparations de son église a disparu.» Après un internement dans un asile à Montpellier (il simule sa folie), le curé s’enfuit et récidive. Boudes se fabrique un faux certificat d’identité et reprend tranquillement ses habits ecclésiastiques. En 1888, le supérieur de l’école Sainte‑Marie d’Albi, trompé par son faux certificat, l’accueille comme professeur de son institution où il recommence ses crimes.

Il a fallu près de vingt ans pour le voir poursuivi et passer en cour d’assises à la jubilation de la presse anticléricale qui accuse l’évêque de Rodez d’avoir toujours tout su et tenté d’étouffer le scandale en déplaçant le curé à plusieurs reprises, et en fin de compte d’avoir fait pression sur les victimes et les témoins pour qu’ils ne l’accablent pas. Après une courte délibération, le jury de l’Aveyron rapporte son verdict: Boudes est condamné aux travaux forcés à perpétuité. Une foule énorme se presse autour de lui, à la sortie du Palais, sifflant, hurlant et criant : « A. mort ! A la guillotine! » Les gendarmes et la troupe ont toutes les peines du monde à maintenir l’ordre et à protéger le condamné. Toussaint‑Cyprien Boudes finira ses jours à Cayenne.
Nadine

"Si la vie est éphémère, le fait d'avoir vécu une vie éphémère est un fait éternel ": Vladimir JANKELEVITCH
michelderouet
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Merci Nadine,
Ça va me faire une belle lecture ce soir ;)
catherine457
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michelderouet wrote: 22 December 2022, 19:08 Hello,

Par le plus grand des hasards je retrouve, en 1877, une condamnation à 15 ans de travaux forcés pour un prêtre dont l'histoire locale dit qu'il est mort en 1874 et qu'une croix a été édifiée en son honneur en 1875.
Il décèdera en 1878 au bagne de l'île de Nou en Nouvelle Calédonie. Tous les renseignements (date et lieu de naissance, parents, etc... correspondent).
Plutôt que d'être mort en 1874, il était soit en fuite ou déjà à l'ombre...
Trois ans d'instruction à cette époque, était-ce un délai normal ?
Merci d'avance
Bonjour,

On peut gloser à l'infini sur les prêtres protégés par leur hiérarchie mais, justement, celui-ci ne semble pas l'avoir été puisqu'il a été condamné à 15 ans de travaux forcés.

D'ailleurs, rien ne dit que cette protection existait déjà à la fin du XIXème siècle.

À l'époque, les textes étaient les suivants :
https://ledroitcriminel.fr/la_legislation_criminelle/anciens_textes/code_penal_1810/code_penal_1810_3.htm
SECTION IV. - ATTENTATS AUX MŒURS
ARTICLE 330
Toute personne qui aura commis un outrage public à la pudeur, sera punie d'un emprisonnement de trois mois à un an, et d'une amende de seize francs à deux cents francs.
ARTICLE 331
Quiconque aura commis le crime de viol, ou sera coupable de tout autre attentat à la pudeur, consommé ou tenté avec violence contre des individus de l'un ou de l'autre sexe, sera puni de la réclusion.
ARTICLE 332
Si le crime a été commis sur la personne d'un enfant au-dessous de l'âge de quinze ans accomplis, le coupable subira la peine des travaux forcés à temps.
ARTICLE 333
La peine sera celle des travaux forcés à perpétuité, si les coupables sont de la classe de ceux qui ont autorité sur la personne envers laquelle ils ont commis l'attentat, s'ils sont ses instituteurs ou ses serviteurs à gages, ou s'ils sont fonctionnaires publics, ou ministres d'un culte, ou si le coupable, quel qu'il soit, a été aidé dans son crime par une ou plusieurs personnes.

À l'époque toujours, la loi ne définissait ni le viol, ni l'attentat à la pudeur. C'est la "doctrine" qui avait procédé à cette définition. La notion de viol était réservée aux actes de pénétration sexuelle dans les parties génitales de la femme (et, je pense, des filles en général). Toutes les autres actes d'agression sexuelle (étant précisé que la notion d'agression sexuelle suppose un contact avec le corps de l'autre) était qualifié d'agression sexuelle.

L'attentat à la pudeur pouvait donc parfaitement être commis sur un adulte, un homme ou même, s'il s'agissait de sodomie et pas de pénétration dans ses parties génitales, sur une femme. Il n'y a donc pas d'équivalence entre l'attentat à la pudeur du code pénal de 1810 et la notion de pédophilie d'aujourd'hui.

Ici, c'est la peine prononcée qui permet de cerner la catégorie de la (ou des) victime(s). L'intéressé, ayant été condamné à 15 ans de travaux forcés, qui est une peine de travaux forcés dite "à temps" (= pas à perpétuité), l'a été (cf. article 332 ancien code pénal) pour des actes de nature sexuelle commis sur des enfants de moins de quinze ans (c'est-à-dire sur un ou des enfant-s ayant moins de 15 ans à la date du crime ou du dernier en date des crimes).

Plusieurs journaux évoquent brièvement cette affaire. Le Journal "La Fraternité" dans son numéro du 29 mars 1877, précise qu'il y a eu "de nombreux attentats à la pudeur sur de jeunes enfants des deux sexes".
https://ressourcespatrimoines.laregion.fr/ark:/46855/FRAD011_528PER/1877/03/29/v0002.simple.selectedTab=thumbnail.hidesidebar

"Le Républicain du Finistère", dans son numéro de 1er mars 1877, écrit que le curé en question vient d'être arrêté.
https://recherche.archives.finistere.fr/file/misc/document/bibliotheque/presse/4MI073/FRAD029_4MI_073_1877_03_01_001_1877_03_27_004.pdf

Alors, comment comptez-vous les 3 ans ? 1877 étant la date de la condamnation, que prenez-vous en considération comme point de départ puisque l'intéressé n'aurait été arrêté qu'en février 1877 ?

À noter que ce journal évoque la façon dont ce curé s'est défendu ... il a prétendu qu'il "voulait faire une étude de mœurs, et savoir à quelles tentation pourrait résister la vertu ou l'innocence des enfants exposés à ses leçons".

Catherine
michelderouet
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Bonjour Catherine,

Merci pour toutes ces précisions et surtout pour la réponse à ma question initiale.
L'instruction (au moins à charge) devait déjà être bien avancée pour qu'il suffise de 30 jours pour amener le curé au procès.

Une autre question me taraude l'esprit :
Qui a fait croire à sa mort en 1874 pour qu'il y ait érection d'un monument en son honneur en 1875 ?

Élévation d’une croix latine en sa mémoire en 1875.
https://e-monumen.net/patrimoine-monumental/croix-de-la-pierre-a-vinaigre-crotelles/

Cordialement
catherine457
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michelderouet wrote: 24 December 2022, 10:12 Bonjour Catherine,

Merci pour toutes ces précisions et surtout pour la réponse à ma question initiale.
L'instruction (au moins à charge) devait déjà être bien avancée pour qu'il suffise de 30 jours pour amener le curé au procès.

Une autre question me taraude l'esprit :
Qui a fait croire à sa mort en 1874 pour qu'il y ait érection d'un monument en son honneur en 1875 ?

Élévation d’une croix latine en sa mémoire en 1875.
https://e-monumen.net/patrimoine-monumental/croix-de-la-pierre-a-vinaigre-crotelles/

Cordialement
Il aurait été arrêté fin février et il a été jugé le 15 mars 1877 mais rien ne dit, me semble-t-il, qu'il y ait eu une instruction, je ne crois pas avoir lu quelque chose en ce sens ... c'est en général le cas mais ce n'est pas obligatoire et ça pouvait ne pas paraître utile dans la mesure où, en l'espèce, il reconnaissait les faits.

Pour la question du monument, je pense qu'il y a une erreur de celui qui l'a décrit. J'ai vu, dans un autre ouvrage, que la date de 1874 correspond à la date de la fin de son ministère à Crotelles et pas à la date de sa mort.
https://www.geneanet.org/archives/ouvrages?action=detail&book_type=livre&livre_id=734854&page=8&name=CHOISNARD&with_variantes=0

Par ailleurs, la première pierre ayant été érigée en 1875, ceux qui ont décidé cette érection ignoraient vraisemblablement certains actes de cet homme.

Catherine
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On peut, en effet, supposer que ceux qui ont élevé la croix ne connaissaient pas les frasques de l'abbé...
Fallait-il alors qu'il soit vraiment saint homme pour qu'on lui fasse un monument de son vivant ?
Où avait-il été muté entre 1874 et 1877 ?

Autant de questions dont les réponses satisferaient ma curiosité mais qui, maintenant, appartiennent plutôt aux habitant de Crotelles.

Cordialement
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